Les
scientifiques nous ont donné leur version de son origine, version étayée de
solides arguments. Laissez-moi pourtant vous en donner une autre.
Le Grand
Esprit après avoir créé le ciel, la terre et les animaux, voulut faire mieux en
donnant l'être à l'homme et à la femme. Comme il tenait dans sa puissante main
la matière destinée à cette création, il la partagea en deux parties égales, et
de son souffle il anima la première qui fut l'homme, mais comme il voulut que
l'homme fût maître de tout, il retrancha un peu de ce qui allait devenir femme
et il fit le chien qu'il mit à leurs pieds.
Cette
parabole qui nous vient des « sauvages » de l’Amérique du Nord et qui au
premier abord, peut paraître injurieuse pour les femmes, ne doit être
considérée que comme un hommage rendu à leur fidélité inébranlable.
Les origines
du chien sont une énigme depuis la nuit des temps et ce n’est que très
récemment que les chercheurs s’approchent d’une réponse plausible, sans pour
autant que les contradictions s’amenuisent. La science trouve son essor au XIXe
s. et flambe dans la deuxième moitié du XXe s. grâce à la découverte
de nouvelles techniques d’investigations. Depuis le début du XXIe s.
ce qui se dit un jour devient obsolète le lendemain. Les raisons de l’un et de
l’autre sont faciles à comprendre. Au début, les chercheurs étaient des indépendants
ou payés par des mécènes. Par la suite, les universités et les centres de
recherches ont pris le relai. Or, tous deux ont toujours manqué de moyens et d’argent.
De plus, ils avaient d’autres chats à fouetter que de se pencher sur les
origines du chien ; les origines de l’homme les intéressait d’avantage. Les
petites crises monétaires et géopolitiques répétés n’ont fait que retarder les
découvertes. Malgré tout, petit à petit, sous la pression d’un intérêt commun –
la nature, l’écologie n’a-t-elle pas changé notre façon de vivre ? – et
grâce au progrès fulgurants ces dernières décennies des techniques de recherche
et des connaissances variées qui en sont découlées, les scientifiques sont à
même de nous donner des réponses plus précises.
Il ne
faudrait pas confondre les dates des origines des chiens et celles des chiens
domestiques. À
dessein, je parle des chiens, au pluriel. Les canidés, dont les loups et les chiens,
ont des ancêtres communs, encore méconnus, dont le ou les lieux d’origine
restent encore sujet à discussion. Les loups et les chiens se sont séparés de
leur(s) branche(s) commune(s) pour devenir des « sous-espèces »
distinctes. À
partir de là, loups et chiens vont se diversifier sous de multiples pressions environnementales
et sous l’effet de l’ingérence de l’homme. Il en naîtra les chiens domestiques.
Ce résumé est une introduction à ce qui suit ci-dessous, qui
reprend chronologiquement les différentes phases de nos connaissances des
origines des chiens et des chiens domestiques. Il dément un concept unanimement
rabâché dans les media, comme quoi le chien domestique descend du loup gris
commun. C’est faux ! Apprenez
pourquoi.
L’ancêtre
lointain du chien n’a pas encore été identifié catégoriquement. Jusqu’à il y a
peu, il existait trois théories pour expliquer les origines du chien : il
serait soit le descendant d’autres canidés qui existent encore aujourd’hui,
soit le descendant d’un loup qui existe encore aujourd’hui, soit le descendant
d’un canidé chien-loup éteint.
La
première théorie a été rejetée suite aux analyses de l’ADN.
L’étude
de l’ADN mitochondrial (ADN-mt) du loup gris existant a prouvé sa relation
étroite avec le chien domestique. Leurs séquences d’ADN-mt ne diffèrent que de
0,2%, alors que la différence avec le coyote est de 4%. C’est la raison pour
laquelle on lit partout cette fausse affirmation : « le chien descend du loup
gris ».
Jusqu’à
la fin du XXe s. les scientifiques prétendaient que le chien domestique, Canis
lupus familiaris, avait comme ancêtre direct le loup gris, Canis lupus lupus.
Les recherches des dernières années, faisant surtout appel à la biologie
moléculaire, a permis de relativiser cette théorie et de mettre en évidence une
origine plus complexe et aussi une origine plus récente que celle avancée
précédemment.
S’il
est vrai que le loup gris commun est très proche du chien domestique, il faut
avoir en mémoire que le loup gris commun actuel n’a plus rien à voir, n’a
aucune ressemblance avec son lointain ancêtre. Le loup tout comme le chien d’il
y a des milliers d’années a vu sa morphologie et sa physiologie se modifier
pour s’adapter à son environnement, à ses besoins, créant ainsi les différentes
races actuelles et éteintes. Sous l’influence de pressions évolutives,
sélection naturelle, dérive génétique, mutation, recombinations, migrations, …
la fréquence des allèles changent, conduisant à une modification génétique de
la population. L'accumulation de tels changements dans différentes populations
peut conduire au processus de spéciation. La spéciation est, en biologie, le
processus évolutif par lequel de nouvelles espèces vivantes apparaissent. Une
espèce, au sens du concept biologique d'espèce, est définie comme ayant une
communauté d'ascendance au sein de laquelle tout individu est interfécond avec
les autres et donnera une descendance fertile.
Le
chien domestique n’a pas comme ancêtre le loup gris commun ! Le loup gris et le
chien domestique sont des sous-espèces proches, parallèles, ayant des ancêtres
communs ! Selon la MSW, Mammal Species of the World (Espèces Animales du
Monde), le chien et le loup se classent comme suit :
· Classe : Mammalia
· Ordre : Carnivora
· Sous-Ordre : Caniformia
· Famille : Canidae
· Genre : Canis
· Espèce : Canis lupus
· Sous-espèce : Canis lupus lupus et
Canis lupus familiaris
Le
statut scientifique des « espèces » domestiques a été remis en cause et
beaucoup de biologistes ne les considèrent plus désormais que comme des formes
domestiquées des espèces sauvages originelles. Une espèce est en effet
constituée de « groupes de populations naturelles, effectivement ou
potentiellement interfécondes, qui sont génétiquement isolées d’autres groupes
similaires ». Or, les « espèces » domestiques se croisent avec leur espèce
parente quand elles en ont l'occasion. « Vu que, du moins en ce qui concerne
les races d'animaux domestiques primitives, celles-ci constitueraient, en règle
générale, une entité de reproduction avec leur espèce ancestrale, si elles en
avaient la possibilité, la classification d'animaux domestiques en tant
qu'espèces propres n'est plus acceptable. C'est pourquoi on a essayé de les
définir comme sous-espèces ». On donne alors à la nouvelle sous-espèce le nom
de l'espèce d'origine, complété par le nom de sous-espèce qui reprend
l'épithète spécifique de l'ancienne espèce.
Certains
biologistes sont même réticents à utiliser la notion de sous-espèces pour un
groupe domestiqué. D'un point de vue évolutif, l'idée d'espèce ou de
sous-espèce est en effet liée à l'idée de sélection naturelle, et non de
sélection artificielle. Du fait de cette réticence, depuis 1960 environ, on
utilise de plus en plus la désignation « forma », abrégée « f. », qui exprime
clairement qu'il s'agit d'une forme d'animal domestique qui peut éventuellement
remonter jusqu'à diverses sous-espèces sauvages :
Chien
domestique - Canis lupus f. familiaris / loup gris - Canis lupus f. lupus.
Localisation de la domestication du chien
Nos
connaissances de la génétique et de la phylogénèse du chien domestique et des
canidés en général ont fortement évolué ces dernières années grâce aux progrès
scientifiques dans le domaine de la biologie moléculaire. La biologie
moléculaire est une discipline scientifique au croisement de la génétique, de
la biochimie et de la physique, dont l'objet est la compréhension des mécanismes
de fonctionnement de la cellule au niveau moléculaire. Il désigne également
l'ensemble des techniques de manipulation d'acides nucléiques (ADN, ARN),
appelées aussi techniques de génie génétique. La biologie moléculaire est
apparue au XXe siècle, à la suite de l'élaboration des lois de la génétique, la
découverte des chromosomes et l'identification de l'ADN comme support chimique
de l'information génétique.
De
très nombreuses études scientifiques ont été publiées ces dernières années dans
des ouvrages et revues spécialisés. En voici un résumé.
Le chien domestique date d’il y a plus de 14.000 ans.
En
1997, une étude de l’ADN-mt du chien concluait que l’origine du chien
domestique date d’il y a 135.000 années. Ce chiffre pouvait néanmoins être
exagéré dû à la non-reconnaissance de multiples substitutions sur des sites
hypervariables. Ces derniers sont des points chauds de mutations où s’opèrent
des mutations de l’ADN-mt somatique (acquises) et des cellules-souches. Ce
chiffre semble donc inexact, mais tente à indiquer que le chien domestique
existe depuis plus longtemps que les 14.000 années suggéré par des preuves
archéologiques.
Le chien domestique date d’il y a 15.000 ans et est d’origine asiatique.
En
2002, une étude a examiné les variations des séquences de l’ADN-mt chez 654
chiens domestiques, ce qui représente toutes les populations de chiens au
monde. Toutes les séquences appartenaient à 3 groupes phylogénétiques,
représentés par des fréquences similaires, suggérant une origine commune,
venant d’un seul pool génétique, pour toutes les populations de chiens. Le fait
qu’il y eut une plus grande variation génétique dans l’Asie de l’Est que dans
d’autres régions, ainsi que le montre le diagramme de la variation
phylogénétique, suggère une origine asiatique du chien domestique il y a 15.000
ans.
Le chien domestique date d’il y a 5.400 à 16.300 ans et vient de l’Asie du sud-est.
En
2009, une étude de 318 chiens de villages africains de 7 régions en Égypte, en
Uganda et en Namibie a démontré une grande diversité de l’ADN-mt chez le chien
africain. Plus tard dans la même année, une étude a analysé le génome
mitochondrial chez 169 chiens afin d’obtenir une image compréhensive de la
diversité géographique dans l’Ancien Monde. Cette analyse a démontré que les
chiens ont en commun un pool génétique comprenant 10 haplogroupes[1] majeurs.
Néanmoins, la diversité génétique complète, les 10 haplogroupes, n’ont été
trouvé que chez les chiens originaires de l’Asie du sud-est, au sud de la
rivière Yangtze. Ensuite la diversité décroit selon un gradient au travers de
l’Eurasie : 7 haplogroupes en Chine centrale, 5 en Chine du nord et en Asie du
sud-ouest et seulement 4 haplogroupes en Europe. La moyenne des distances
séquentielles par rapport à l’haplogroupe ancestral indique une origine entre
5.400 et 16.300 années pour au moins 51 femelles de loups ancestrales.
Le lieu de domestication du chien se situe au Moyen orient.
En
2010, des chercheurs ont mené une étude extensive sur le génome de plus de
48.000 nucléotides simples et leur polymorphisme chez le chien et chez le loup
gris. L’étude a démontré que les races canines ont une plus grande proportion
d’haplotypes multiloculaires, unique chez le loup gris du Moyen Orient,
indiquant par là qu’ils sont une source plus importante de la diversité
génétique que ne le sont les loups de l’Asie de l’est, comme l’avait suggéré
les séquences d’ADN-mt. Ceci indiquerait que le lieu de domestication du chien
se situerait au Moyen orient.
Le chien a comme ancêtres 13 à 24 ancêtres loups de l’Asie de l’est au sud de la rivière Yangtze. Pas d’hybridation chien-loup après la domestication du chien.
En
2011, une étude a analysé 14.437 pb (paires de base)[2] de la séquence du
chromosome Y chez 151 chiens de par le monde. Elle a trouvé 28 haplotypes[3]
distribués dans 5 haplogroupes. Deux haplogroupes étaient communs et incluaient
3 haplotypes portés par 46% des chiens, mais 2 autres haplogroupes étaient
limités à l’Asie de l’est. La plus grande diversité génétique et une couverture
phylogénétique quasi complète a été trouvé en Asie au sud du Yangtze. On a
estimé que les 151 chiens avaient comme origine 13 à 24 ancêtres loups, mais il
n’y avait aucune preuve d’hybridations entre le chien et le loup dans la
période de post-domestication. Le chromosome Y et l’ADN-mt donnent une image
quasi semblable de la phylogéographie du chien et, plus important encore, que
50% des pools génétiques sont partagés universellement. Comme seuls ceux d’Asie
au sud du Yangtze ont une diversité génétique quasi complète, il semblerait que
tous les pools génétiques des autres régions proviennent de cet endroit. Ceci
corroborerait l’hypothèse selon laquelle la domestication du loup a eu lieu en
Asie de l’est, au sud de la rivière Yangtze, que de nombreux loups furent
domestiqués et que plus tard l’hybridation entre chien et loup a contribué
modestement au pool génétique du chien.
Le chien paléolythique date d’il y a 24.000 à 27.000 années.
En
2011, les chercheurs ont étudié les cranes du site gravettien Předmostí en
République Tchèque. Trois furent datés entre 24 et 27.000 ans et identifiés
comme chiens paléolythiques, caractérisés par un crâne de courte longueur, un
nez court, des palais et cavité céphaliques larges comparés à ceux du loup. Un
crâne complet a pu être attribué à un groupe de loups du Pléistocène[4]. Trois
autres crânes ne purent pas être assignés à un groupe de référence; il pourrait
s’agir de restes d’hybrides ou de loups captifs.
Les études de Wayne
En
1934, un éminent paléontologiste, Pei W.C., prétendait que l’ancêtre des chiens
pourrait être un Canis lupus éteint. En 1999, Robert K Wayne souligna que bien
que les données de la génétique moléculaire semblent corroborer que le chien
descend du loup, qu’il serait possible que le chien descende d’un canidé
éteint, dont le plus proche parent vivant était le loup. Entre mars 2013 et
janvier 2014, trois études semblent confirmer l’hypothèse de Wayne.
Druzhkova et al.
Il
existait un chien plus ancien que celui provenant du Moyen Orient ou de l’Asie
de l’est.
Le
canidé de l’Altai est plus proche du chien moderne et des canidés
préhistoriques du Nouveau Monde qu’il ne l’est du loup contemporain.
En
mars 2013, une étude a isolé, séquencié et analysé 413 nucléotides d’un ADNmt
ancien provenant d’un crâne bien préservé d’un canidé daté d’il y a 33.000
années, qui avait été trouvé dans la Grotte Razboinichya dans les montagnes de
l’Altai en Sibérie du sud en 1975. Ce crâne avait été déposé dans la GenBank[5]
sous le numéro JX173682 et classé comme étant Canis lupus familiaris.
Ce
spécimen a été comparé avec celui de 72 chiens éteints et de 30 loups (dont 17
de l’Ancien Monde et 13 du Nouveau Monde), de 35 canidés préhistoriques du
Nouveau Monde (dont 2 loups de Bering) et de 4 coyotes. Il a aussi été comparé
à 3 anciennes dents de loups trouvés dans la grotte, âgés de 32.500, 48.000 et
50.000 ans.
«
L’analyse a révélé que l’haplotype unique du canidé de l’Altai est plus proche
du chien moderne et des canidés préhistoriques du Nouveau Monde qu’il ne l’est
du loup contemporain. Cette analyse confirme la conclusion que le spécimen de
l’Altai est probablement un chien ancien lequel diffère peu des loups anciens.
Ces résultats suggèrent qu’il existe une plus ancienne origine du chien que
celle qui la localise au Moyen Orient ou en Asie de l’est. »
Les
groupes de haplotypes les plus proches de celui du chien de l’Altai inclus des
races aussi diverses que celle du Mastiff du Tibet, du Terre-Neuve, du Chien
chinois à crête, du Cocker Spaniel et de l’Husky sibérien. L’étude dit aussi :
« Nous insistons sur le fait que cette analyse a été limitée à un seul locus
maternel et qu’il faudrait plus de données
pour obtenir une phylogénie statistiquement valable et pour résoudre la
relation génétique du spécimen de l’Altai … Plus de données concernant les
loups préhistoriques de la même région sont nécessaires pour estimer la
diversité de la population et pour obtenir une image compréhensible de la
relation génétique du canidé de l’Altai. »
Un
des membres de cette étude avait conduit une étude antérieure en faisant appel
à la datation par le C14 par la spectrométrie de masse dans 3 laboratoires
différents situés à Tucson en Arizona, à Oxford en Angleterre et à Groningen,
aux Pays-Bas afin de dater le crâne et la mandibule gauche du canidé de
l’Altai. L’âge avait été estimé à 33.000 années. La morphologie du crâne et de
la mandibule a été comparée à celle des grands loups du Pléistocène de
Predmosti en République Tchèque datées de 31.000 années, à des loups européens
et américains contemporains et à des chiens préhistoriques du Groenland de la
période Thule (1.000 av. ou plus tard), ces derniers représentant un chien de
grande taille complètement domestiqué. La morphologie était très proche de celui
du chien de Groenland et non pas de celle des loups, anciens ou modernes.
D’autre part, la canine inférieure était de taille à la limite inférieure pour
une dent de loup préhistorique et n’était qu’un peu plus petite que celle des
loups européens actuels ; la canine supérieure était semblable à celle des
loups actuels. « C’est pour cette raison que nous concluons que ce spécimen
pourrait représenter un chien dans un stade précoce de domestication,
c’est-à-dire un chien naissant plutôt qu’un loup … Le spécimen de la grotte de
Razboinichya semble être un chien naissant qui n’a pas donné des lignées lors
de la période glaciaire tardive ou au début de l’Holocène et représente
probablement la domestication d’un loup, interrompu par les changements
climatiques et culturelles associées avec la dernière période glaciaire[6]
datant d’il y a 26.000 – 20.000 ans.
Les
deux autres chiens naissants de l’Europe de l’ouest, celui de la Grotte de
Goyet en Belgique et celui de la Grotte de Razboinichya en Sibérie, séparés
l’un de l’autre par des milliers de kilomètres, prouve que la domestication du
chien a été multirégionale et n’a pas eu qu’un seul lieu d’origine comme l’ont
suggéré certaines études sur l’ADNmt. »
Thalmann et al.
La
majeure partie des chiens vient d’Europe.
En
novembre 2013, une étude a analysé les génomes mitochondiaux complets et
partiels de 18 canidés fossiles du Nouveau et de l’Ancien Monde datant de
-1.000 à -36.000 ans et les a comparés avec les séquences des génomes
mitochondriaux complets de 49 loups et de 77 chiens actuels, dont le Basenji et
le Dingo, avec aussi 3 chiens chinois indigènes et 4 coyotes, totalisant 148
génomes mitochondriaux. C’est surtout l’ADNmt qui a été analysé. Les résultats
indiquent que :
-
22% des chiens (17 des 77) sont proches des loups actuels venant de Suède et
d’Ukraine et qu’ils ont un ancêtre commun datant d’il y a -9.200 ans ;
-
78% des chiens (60 des 77) sont proches d’un ou de plusieurs canidés anciens
d’Europe ;
-
12% des chiens (9 des 77) sont proches de deux chiens anciens de morphologie
distincte d’Allemagne, l’un d’il y a -14.700 années de Bonn-Oberkassel et
l’autre d’il y a -12.500 années de la Grotte de Kartstein, ayant chacun un
ancêtre commun datant d’il y a -16.000 à -24.000 années ;
-
3% des chiens (2 des 77) sont proches d’un vieux loup de la Grotte de
Kesslerloch en Suisse datant d’il y a -14.500 ans, lesquels ont un ancêtre
commun datant d’il y a -18.300 ans. Ils sont apparentés à distance avec le
chien de l’Altai.
-
64% des chiens (49 des 77) sont aussi proches d’un autre vieux loup d’il y a
-14.500 ans, également de la Grotte de Kesslerloch en Suisse. Ils ont un
ancêtre commun datant d’il y a -32.100 années. Ce groupe de chiens sont
identiques à 3 chiens fossiles précolombiens du Nouveau Monde datant entre
-1.000 et -8.500 ans. En comparant ces trois derniers chiens avec les 49
autres, récents, cela indique un ancêtre commun il y a -18.800 ans, ce qui
étaye l’hypothèse que les chiens précolombiens du Nouveau Monde partagent des
ancêtres communs avec les chiens récents. Ils sont probablement arrivés dans le
Nouveau Monde avec les premiers humains. La première population de chiens
semble avoir connu un étranglement, une diminution de ces sujets, il y -5.000 à -2.000 ans, suivi d’une augmentation
considérable, parallèle à l’accroissement de la population humaine.
Les canidés belges ne sont ni loups, ni domestiques.
Le
groupe le plus divergent est constitué par 3 haplotypes appartenant à des
canidés belges, catalogués comme Canis lupus et datant d’il y a -36.000
(KF661079), -30.000 (KF661080) et -26.000 (KF661078) années. Bien que la
morphologie crânienne du chien de la Grotte de Goyet (-36.000 ans) a été
interprétée comme ayant « la forme d’un chien », l’étude de son ADNmt le place
dans un groupe-sœur des chiens et loups modernes plutôt que comme un ancêtre
direct.
Le
chien belge d’il y a -36.000 ans est particulièrement grand et pourrait être
rapproché sur base de sa génétique et de sa morphologie d’une forme de loup du
Pléistocène Tardif dont les restes ont été trouvés dans le pergélisol[7]
arctique. Néanmoins, aucune des séquences des trois loups du pergélisol, datés
d’il y a -28.000, -21.000 et -20.800 ans, et classés comme Canis lupus
(KF661088, KF661089, KF661090) n’entrent dans le taxon ou sont proches du taxon
belge. Les canidés belges pourraient représenter une population de loups gris
phénotypiquement distincte et non reconnus précédemment. Une autre hypothèse
est que le chien de Goyet belge (-36.000) et le canidé de l’Altai (-33.000) (JX173682),
catalogués comme Canis lupus familiaris ne seraient que des épisodes avortés de
domestication.
Les
données de cette étude indiquent une association entre les chiens modernes et
les canidés européens et certains avec des loups modernes européens, sans avoir
de relation étroite avec les loups modernes du Moyen orient ou de l’Asie de
l’est. Ceci suggèrerait une origine européenne du chien plutôt qu’une origine
située en Moyen Orient ou en Asie de l’est. Il en est comme preuve que les
restes de chiens trouvés dans ces régions ne datent pas de plus de -13.000 ans,
ce qui tend également à prouver que la domestication du chien précède
l’émergence de l’agriculture et serait plutôt lié aux habitudes des
Européens-chasseurs pendant la dernière période glaciaire maximale (-22.000
ans), lors de laquelle ils chassaient la mégafaune.
Si
la domestication du chien est liée aux chasseurs, on peut s’imaginer que dans
un premier temps les loups profitaient des carcasses laissées par les chasseurs
et qu’ensuite ils se sont rapprochés d’eux pour s’intégrer dans la niche
humaine. Cette hypothèse pourrait expliquer la divergence génétique qui a donné
lieu à l’apparition du chien. Les loups, suivant les migrations des humains,
auraient abandonnés leurs territoires de chasse et ainsi réduit ou rendu
impossible la reproduction avec d’autres loups résidents, territorialisés. Nous
en connaissons un processus analogue, notamment la migration des loups dans la
toundra et dans les forêts boréales de l’Amérique du Nord, qui suivent les
caribous. Lorsqu’en hiver ils reviennent de la toundra dans les forêts, ils ne
se reproduisent pas avec les loups résidents, qui n’ont pas suivi les
migrations. Ceci constitue un modèle de domestication et de la divergence dans
la reproduction des premiers chiens qui se sont séparés des loups sauvages.
Freedman et al.
En
janvier 2014, une étude a analysé 10 millions de sites nucléotidiques de
génomes complets de 6 lignées uniques de canidés. Il s’agissait des séquences
des génomes de
-
3 loups (Canis lupus lupus) pour représenter les grandes régions de l’Eurasie :
de Croatie (Europe), d’Israël –Moyen Orient) et de Chine (Asie de l’est et du
sud-ouest)
-
un Dingo australien (Canis lupus dingo) et un Basenji (Canis lupus familiaris).
Ceux-ci sont des lignées divergentes du génome de référence, celui du Boxer ;
-
un Chacal doré (Canis aureus) afin de déduire les variantes ancestrales chez
les chiens et les loups.
Les
résultats de cette analyse a démontré :
-
un mélange entre le loup Israélien et le Basenji ; entre le loup Israélien et
le Boxer ; entre le loup chinois et le Dingo ;
-
le fait que ces lignées aient été séparés géographiquement des loups dans un
passé récent suggère que ces flux de gènes est antérieur et a probablement affecté
la plupart des lignées de chiens;
-
il y avait un flux de gènes significatif entre le Chacal doré et le loup
israélien, ainsi que dans la population ancestrale des chiens et des loups.
Un
test a démontré que les chiens et les loups modernes forment des taxons
monophylétiques proches l’un de l’autre ; le chien appartient au même groupe
que le loup moderne et ils partagent un ancêtre commun. Cette hypothèse est
étayée par le fait qu’une population de loups est plus proche des chiens qu’une
autre et que les chiens se sont séparés des loups au même moment que les loups
se sont séparés entre eux. Ceci implique aussi que la/les population(s) de
loups dont sont issus les chiens est actuellement éteinte et que la diversité
de loups actuels représentent des lignées nouvelles, jeunes.
Les
résultats indiquent que le chacal doré et l’ancêtre du loup-chien se sont
séparés il y a 40.000 années. Les chiens et les loups se sont séparés il y a
14.900 ans. Les 3 populations de loups se sont scindées il y a 13.400 ans. Les
populations de chiens se sont scindées peu de temps après, conjointement avec
le Dingo, il y a 12.800 ans. Le Boxer et le Basenji se sont séparés il y a
12.100 années.
Depuis
cette scission il y a un étranglement de la population des chiens équivalent à
1/16. Cette perte de diversité génétique correspond à celle observée chez les
humains entre 17.000 – 43.000 ans et entre 10.000 – 60.000 années, dû aux
grandes migrations humaines au départ de l’Europe vers l’Asie à la Période
Glaciaire Maximale ; les humains ayant emportés avec eux leurs chiens.
Le
déclin (3 fois) de la population des 3 types de loups depuis la séparation avec
les chiens précède de loin l’extermination par les humains. Elle a pour causes
les modifications environnementales et biologiques lors du Pléistocène,
notamment les changements climatiques et la diminution de la mégafaune. Ceci
indique qu’avant la séparation des chiens des loups, la diversité des loups
était beaucoup plus grande et qu’elle a connu récemment une forte diminution.
L’AMY2B,
l’alpha-amylase 2B, est un gène qui code une protéine qui joue un rôle dans la
première phase de la digestion de l’amidon et du glycogène. Une augmentation de
cette protéine chez le chien lui permettrait d’assimiler une nourriture riche
en amidon lorsqu’il est nourri par des déchets de l’agriculture. Les loups et
le Dingo n’ont que 2 copies de ce gène ; l’Husky sibérien 3 à 4, alors que le
Saluki, associé au Croissant Fertile où naquit l’agriculture, en a 29. Ceci
démontre que les chiens modernes ont un nombre élevé de copies de copies de ce
gène, alors que les loups et les Dingos n’en ont pas autant. Le grand nombre de
copies de l’AMY2B doit avoir existé chez les premiers chiens domestiques, mais
ceci s’est accentué plus récemment avec le développement des civilisations
sédentarisées tributaires de l’agriculture.
Il
semblerait que les loups et les chiens se seraient séparés il y a 11.000 à
16.000 ans. Certaines études récentes citent le chiffre précis de 14.900,
d'autres les chiffres de 11.000 à 32.000 ans. Toutes les études s’accordent
pour dire que cette séparation a eu lieu longtemps avant l’adoption de
l’agriculture. Ceci afaiblit l’hypothèse comme quoi ce serait l’agriculture qui
aurait renforcé la domestication du chien.
Une conclusion ressort de ces études:
l’ancêtre commun des loups et des chiens
était un grand animal qui ressemblait à un loup, lequel vécut il y a 9.000 à
34.000 années et qui vivait en Europe. Les loups et les chiens se seraient
séparés il y a environ 15.000 années. Les données de la géophylogénétique
semblent indiquer que la majeure partie des chiens domestiques soient d'origine
européenne, mais ceci n'exclut d'aucune façon l'hypothèse selon laquelle
d'autres groupes minoritaires viendraient du Moyen orient ou de l'Asie de
l'est. De façon simpliste, nous pourrions résumer ces études comme suit :
Évidences archéologiques
200.000
Grotte Zhoukoudian, Chine: petit crâne de loup éteint, Canis lupus variabilis,
trouvé à proximité d’un squelette de l’Homme de Pékin, Homo erectus pekinensis.
36.000
Grotte de Goyet, vallée de la rivière Samson en Belgique : crâne de type chien
trouvé avec d’autres crânes d’autres grands canidés, dont la morphologie est
très proche des crânes des chiens du site Eliseevich I (15.000), de Mezin et de
Mezhirich (13.500). Ces trouvailles paléolithiques datent du Moustérien, de
l’Aurignacien, du Gravettien et du Magdalénien.
33.500
Grotte Razboinichya dans les montagnes de l’Altai, Asie Centrale (Russie) :
crâne de type chien, deux mandibules et dents. Les spécimens ne ressemblent pas
à ceux de loups anciens ou modernes, mais sont par contre très similaires à
ceux du chien préhistorique domestiqué du Groenland et aux chiens du site
Eliseevichi I en Russie. Pas de descendance moderne connue. Morphologiquement,
il s’agit d’un chien; sa classification génétique est incertaine : il n’est pas
clair s’il s’agit d’un loup ou d’un chien.
32.500
Grotte de Kesslerloch en Suisse : un grand canidé ressemblant à un loup datant
de -14.500 années, époque à laquelle, selon des analyses génétiques, les loups
se seraient séparés des chiens en ayant un ancêtre récent commun, dont les
restes n’ont pas encore été trouvés.
32.000
– 22.000 Predmostí, Moravia, République Tchèque : 3 crânes. Predmostí est un
site Gravettien. Les crânes ont été trouvés dans une tombe humaine et
identifiés comme étant des chiens paléolithiques, donc longtemps avant le début
de l’agriculture.
26.000
Grotte de Chauvet, Vallon-Pont-d'Arc, Ardèche, France : traces de pas d’un
jeune enfant d’une cinquantaine de mètres, flanquées de traces d’un grand
canidé.
15.000
Site paléolithique d’Eliseevich I, région de Brayansk, Russie : 2 crânes de
chiens trouvés en 2002, très similaires à ceux trouvés à Goyet, Mezin et
Mezhirich. L’un des crânes a été déposé à la GenBank (KF661082) et classé comme
étant Canis lupus familiaris.
14.700
Bonn-Oberkassel, Allemagne : mandibule de chien dans un tombeau humain avec un
homme de 50 ans et une femme de 20 à 25 ans. Déposé à la GenBank (KF661093) et
classé Canis lupus familiaris.
13.500
Mezin, Ukraine : crâne de chien et spécimens de loups datant de la période
Epigravettienne (17.000 – 10.000)
13.500
Mezhirich, Ukraine : crâne de chien daté de la même période.
12.500
Grotte de Karstein, Allemagne : crâne de chien dont l’analyse génétique est
déposée à la GenBank (KF661094) et classé Canis lupus familiaris
12.000
Yakutia, Sibérie : carcasse momifiée connue sous le nom de Black Dog of Tumat,
trouvée gêlée, dont l’analyse de l’ADN a confirmé qu’il s’agissait d’un chien
12.000
Bin Mallaha (Eynan) et Hayonim en Israël : 3 restes de canidés dont un de loup
et un squelette de chiot enterrés avec un être humain pendant le Natufien ((nom
donné à une culture de l'Épipaléolithique final, attestée au Levant entre
12.500 et 10.000 av. J.-C. et caractérisée par les premières expériences de
sédentarisation).
9.200
Comté de Val Verde, Texas, USA : fragment d’os de chien dans la Grotte de Hind.
L’analyse de l’ADN a prouvé qu’il s’agissait d’un chien dont l’ancêtre se
situait en Eurasie.
7.800
Site Jiahu en Chine : 11 chiens enterrés dans un site Néolithique.
7.425
Région du Baikal en Russie : chien enterré dans un tombeau humain. Un crâne
humain était posé entre les pattes d’un loup de la toundra daté de 8.320
5.250
Skateholm, Suède : cimetière contenant des chiens aux côtés d’humains.
[1]Un haplogroupe est un grand groupe d'haplotypes,
qui sont des séries d'allèles situés à des sites spécifiques dans un
chromosome.
[2] Une paire de bases (pb) est l'appariement de deux
bases azotées situées sur deux brins complémentaires d'ADN ou ARN. Cet
appariement est effectué par des ponts hydrogènes. Il y a quatre types de bases
azotées: A-T-C-G, ces lettres pour Adénine, Thymine, Cytosine et Guanine. A avec T et C avec G.
[3] Un haplotype est un groupe d'allèles de
différents loci situés sur un même chromosome et habituellement transmis
ensemble. Haplotype est un mot-valise formé par la contraction de la locution
anglaise haploid genotype, ou
génotype haploïde.
[4] Le Pléistocène est la plus ancienne époque géologique du Quaternaire et
l'avant-dernière sur l'échelle des temps géologiques, suivie par le Holocène. Elle
s'étend sur environ 2,6 millions d'années à 12.000 ans avant le présent. Le
Pléistocène est marqué par les récentes glaciations et sa fin correspond à
celle du Paléolithique.
[5] La GenBank est une banque de séquences d'ADN,
comprenant toutes les séquences de nucléotides publiquement disponibles et leur
traduction en protéines.
[6] La dernière période glaciaire est une période de
refroidissement global ou glaciation qui caractérise la fin du Pléistocène, il
y a 110 000 à 10 000 ans. Le maximum glaciaire a été atteint il y a environ 22
000 ans.
[7] Le cryosol est un sol particulier des régions
froides, composé en profondeur d'une partie en permanence gelée, appelée le
pergélisol et à la surface d'une partie, appelée mollisol, qui se dégèle
pendant une durée de l'année.
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